Au-delà d'une déclaration d'amour à la beauté de ce continent et au-delà de l'histoire de l'Amérique latine, l'oeuvre est un chant de révolte contre toutes les formes d'oppression. C'est aussi un grand cri de solidarité envers les opprimés, les humiliés, les exploités. Un cri de vie et d'espoir. Une déclaration d'amour pour les gens simples, des hommes et des femmes qui s'engagent pour un monde meilleur.
Aux sources de cette grande oeuvre littéraire, c'est l'Amérique originelle, force vivante, terre grandiose et maternelle qui est représentée. Pablo Neruda esquisse la naissance du continent américain et l'histoire des peuples qui y ont vécu et y vivent. Il évoque ensuite ceux qui y souffrent et luttent contre les conquistadors venus exploiter les hommes et la richesse d'une nature exubérante.
Vers 1800, c'est l'Amérique insurgée, fière de l'identité de sa civilisation retrouvée. Hélas, à peine libéré, le peuple exploité par les classes privilégiées se voit à nouveau soumis à une nouvelle colonisation : celle de l'argent et de l'impérialisme américain.
Pablo Neruda a écrit la majeure partie de son oeuvre poétique dans des circonstances politiques difficiles. Le 27 novembre 1947, l'écrivain dénonce la dictature chilienne en publiant dans le journal "El Nacional" une "Lettre intime", qui sera lue par des millions d'hommes. Peu de temps après sa publication, le 3 février 1948, alors qu'il siège en tant que membre du parti communiste, il est radié du Sénat par le régime de Gonzalez Videla. Deux mois plus tard, les tribunaux ordonnent sa détention. Traqué par la police, sa tête mise à prix, il entre alors dans la clandestinité.
C'est durant un peu plus d'un an de vie secrète, changeant souvent de domicile et de zone de refuge, que Neruda compose le "Canto General". "Les chapitres que j'écrivais étaient aussitôt emportés et dactylographiés, car si la police m'avait découvert, on aurait perdu les originaux".
Cette clandestinité le conduit de maison en maison, chez des paysans, des ingénieurs, des médecins, lui fait traverser les champs, les ports, les villes : une vie de proscrit, de maquisard ... C'est pour cela que son Canto est devenu ce cri déchirant de révolte et de liberté.
Il obtient le Prix Nobel de littérature en 1971. Moins de 2 ans plus tard, son ami, le président Salvador Allende est assassiné. La maison de Neruda est saccagée et ses livres brulés. Pablo Neruda décède 12 jours plus tard, âgé de 69 ans.
Rien d'étonnant que le "Canto General", unique dans la littérature contemporaine, ait fasciné Mikis Theodorakis. Il a toujours été animé par les mêmes idéaux que son ami Neruda, pour lesquels il a été emprisonné, torturé, déporté et exilé lors de la dictature des colonels grecs de 1967 à 1974.
Son adaptation en oeuvre musicale reflète le même message que l'oeuvre poétique de Pablo Neruda, tout en mêlant les caractéristiques de la musique latino-américaine avec les accents et les rythmes grecs.
La combinaison de l'instrumentalisation avec les moyens vocaux mis en oeuvre - du choeur "a cappella" à l'explosion de toutes les parties et l'éclat d'un orchestre expressif - donne à cette oeuvre une authenticité unique, capable de bouleverser les auditeurs au plus profond d'eux-mêmes. Du plus humble ouvrier jusqu'au savant le plus cultivé, tous peuvent écouter avec le coeur et y projeter l'expérience de ces hommes et femmes dans la lutte pour un monde qu'ils ont voulu plus juste et plus humain.
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